Le monde anglophone s’arroge le droit de jouer l’arbitre.

Depuis 2006, le magazine britannique The Economist établit un « classement des États démocratiques » annuel à dimension mondiale dont le dernier date de 2021, publié début février 20221. C’est le think tank américain « Freedom House » – financé entre autres par George Soros – qui fournit le plan de cet indice.
Aujourd’hui, de plus en plus d’États n’acceptent plus l’arrogance de se voir réévaluer leurs valeurs, leur culture et leur système étatique, et tournent leur regard vers une communauté d’États basant ses relations sur un pied d’égalité.

Le cheval et son cavalier : The Economist et Freedom House

L’indice des démocraties de l’« Economist Intelligence Unit » (EIU) classe les États en quatre types de régime politique : les démocraties à part entière, les démocraties imparfaites, les régimes hybrides (formes mixtes d’autocratie et de démocratie) et les régimes autoritaires – ceci sur la base, comme affirment les auteurs, de vastes indicateurs « scientifiques », bien entendu !
« Freedom House », l’autre acteur, indique clairement ses objectifs en déclarant : « Nous agissons en tant que catalyseur de la liberté en combinant l’analyse, le lobbying et l’action ».
En clair : Freedom House et son lobby organisent les révolutions colorées et les changements de régime tous azimuts – ce qu’ils nomment hypocritement la « promotion du changement démocratique ».

Il est aussi cynique et arrogant que les élites de Washington et de Londres, qui couvrent le monde de leurs guerres sanglantes, et décernent à certains régimes l’étiquette de « démocratie » à condition qu’ils se distinguent par leur bonne conduite envers la « seule puissance mondiale », ou le label d’« autocratie » dans le cas contraire.

En fait, Freedom House ne poursuit qu’un seul objectif : « promouvoir le rôle de leader mondial des États-Unis ».
A cette fin, le think-tank recommande au gouvernement de Washington de « forger des alliances avec des nations libres et de soutenir les partisans de la démocratie dans des États autoritaires ou des pays en transition ».
Nous savons suffisamment ce que ces messieurs entendent par-là, depuis l‘Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Libye et actuellement l‘Ukraine où l‘OTAN se bat pour la « liberté de l‘Occident » – jusqu‘au dernier Ukrainien.

On ne peut faire plus absurde

Le classement reflète les objectifs géopolitiques précités des élites américaines et britanniques et leurs satrapes. Nous nous bornons ici à quelques « évaluations » particulièrement éclairantes.

• La « restriction des libertés individuelles » due à la pandémie est un « nouveau coup dur pour la démocratie mondiale ». Pas un mot sur la suppression de fait et, bien plus grave, de la liberté d‘expression et des médias dans « l’Occident libre » !

• En 2021, les États-Unis ont tout juste réussi à se hisser à la 35ème place des « démocraties à part entière », et ce en raison « des troubles au Capitole et des tentatives de renverser le résultat des élections du président sortant Donald Trump ».
Dans l’indice de démocratie 2016, pour la première fois, The Economist avait rétrogradé les États-Unis d’une « démocratie à part entière » à une « démocratie imparfaite » quelques jours après l‘entrée en fonction de Trump.
Ces pratiques ont effectivement quelque chose à voir avec la démocratie ou avec son érosion. Car aux États-Unis, l’élite dirigeante a l’habitude d’indiquer qui doit devenir président.
Cela a échoué en 2016, les citoyens américains ayant élu le « mauvais candidat ».
En 2020, l’agence de sécurité publique américaine FBI a donc piloté la propagande électorale via Twitter, comme l’a récemment révélé son nouveau propriétaire Elon Musk (selon les informations de la radio suisse du 19 décembre 2022, Musk a ajouté que s’il était retrouvé mort prochainement, il ne s’agirait pas d’un suicide).
Voilà pour le modèle de démocratie que sont les États-Unis.

• La Chine constitue « le plus grand défi pour le modèle démocratique occidental » (selon The Economist).
En effet, il est embarrassant pour les auteurs que la Chine prospère autant sur le plan économique tout en luttant avec succès contre la pauvreté à l’intérieur de ses frontières et dans de nombreux autres pays exploités et négligés par l’Occident.
Et c’est précisément ce pays géant qui ne se laisse pas dicter la manière dont il doit gérer ni son État ni son économie par Washington et Londres.

• La place finale accordée à l’Afghanistan, maltraité et spolié par l’hégémon pendant des décennies, « à cause du retour des Taliban » (ou plutôt pour masquer sa propre défaite honteuse ?) est plus que cynique !

• La Suisse, avec sa démocratie directe unique au monde, n’arrive pas à la première place dans les classements américains et britanniques – selon la logique partisane des auteurs.
Les grandes puissances occidentales (UE comprise) ont depuis longtemps une épine dans le pied de la part de souveraineté que nous avons pu conserver.
Dans le rapport « Freedom in the World 2022 », la Suisse n’obtient que 96 points sur 100, parce que la citoyenneté suisse est, selon la volonté du peuple, une condition préalable au droit de vote et d’éligibilité au niveau fédéral et dans la plupart des cantons, parce que l’initiative populaire fédérale « Contre la construction de minarets » a été acceptée dans les urnes de la votation populaire et parce que les Suisses voulaient gérer eux-mêmes l’immigration en provenance de l’UE avec l’Initiative contre l’immigration de masse (ce qui, comme chacun sait, n’a pas été mis en œuvre par le Parlement, en violation de la Constitution)6. Le prétendu « manque » de liberté et de démocratie est donc justement à mettre sur le compte des puissants droits populaires suisses. On ne peut pousser l’absurde plus loin.

par : Horizons et Débats
source : Horizons et Débats